Relation client

Pour nourrir une relation client, il faut la soigner et la faire vivre !

Philippe Groensteen débute sa carrière chez Ikea à une époque où l’enseigne ne compte que peu de magasins en France. Tout est alors possible pour conquérir le marché français. Après 6 années riches d’enseignements en tant qu’opérationnel, il rejoint Leroy Merlin et depuis presque 10 ans, il est le responsable national du service clients, soit près de 3500 personnes. Porté par son mental de sportif, l’énergie collective, la générosité et la dynamique de ses collaborateurs, il partage avec nous son chemin parcouru.

Vous avez eu à charge le service client dont la fidélisation et de nombreux axes relationnels chez Leroy Merlin depuis plus de 10 ans, quels ont été vos principaux défis ?

J’ai pu constater que le principal défi était de faire de l’expérience et du parcours client une réalité. Ces concepts systématiquement évoqués par les enseignes sont malheureusement encore peu concrétisés du point de vue du client. Pour des raisons économiques, le business prévaut sur l’expérience client. Dans ce sens, si l’expérience client semble être une culture pour tous, rares sont les enseignes à la mettre en application.

Le second enjeu est la personnalisation de la relation client. Travailler sur la personne est central mais réclame un énorme investissement pour les retailers, qui n’en ont pas toujours les moyens. Aussi, nous faisons plutôt de la gestion de masse personnalisée plus que de la relation personnalisée.

Face à cet enjeu de considération des clients se dessine un nouveau défi : l’évolution des programmes de fidélité. Face à un constat client commun de manque de générosité dans leurs programmes, il y a deux écoles : celle de Décathlon qui a préféré l’arrêter pour travailler avec les communautés et d’un autre côté celle de Monoprix qui a choisi de le sublimer pour apporter plus de fidélisation. Les causes sont, en effet, souvent multiples et complexes. Toutefois, le programme de fidélité doit évoluer. Si l’encartage clients apporte du chiffre d’affaires, l’équilibre économique n’est plus trouvé pour les enseignes. Pire, les avantages ne satisfont plus les clients. Le business model des retailers est en train d’évoluer, challengés par les pureplayers et leur surenchère de services. Le programme de fidélité doit illustrer la connaissance et la proximité de l’enseigne avec ses meilleurs clients. Il s’agit donc de faire autrement ; de marquer par l’attention personnalisée. Les enseignes doivent nourrir une connivence avec leurs meilleurs clients.

En effet, l’avenir de la relation client, c’est la communauté. Des marques telles que Michel et Augustin, Zodio et Airbnb l’ont bien compris. En tant que retailers, nous devrons aussi apporter des moments fédérateurs que voudront partager entre elles nos communautés. L’enseigne deviendra alors un prétexte : un support au confort d’une expérience collective.

Décoration intérieure – Leroy Merlin

Quelles évolutions majeures avez-vous observées dans le métier du service client depuis 10 ans ?

Le digital a changé la perception du marché et des pratiques de consommation…

Que ce soit par la livraison express, l’instantanéité d’un chatbot de qualité… le web nous amène à repenser la place de l’humain et la valeur du « physique » comme éléments différenciants. Les clients ont une connaissance plus forte des produits. En se déplaçant en magasin, ils n’attendent plus de recueillir plus de détails mais d’obtenir la bonne solution. Pour se différencier, les retailers n’ont donc d’autre choix que de délivrer un bon service client.

Comment vous êtes-vous adapté pour satisfaire les nouvelles exigences des consommateurs ?

Tout d’abord, il est essentiel d’être capable de retracer le parcours client dans son ensemble : de l’avant-vente au service après-vente. En le décryptant et en le comparant à un parcours cible, nous sélectionnons les moments d’enchantement à sublimer ou, à l’inverse, les éléments irritants à supprimer. Cette cartographie est indispensable pour se projeter et atteindre une nouvelle expérience client. Cette dernière se concrétise ensuite par des choix disruptants, appliqués rapidement et en travaillant sur deux éléments clés : le client et les collaborateurs. Pour y parvenir, la meilleure solution est d’apporter un élément de réassurance : mettre de l’humain à chaque touchpoint choisi. C’est indispensable pour donner du sens, renforcer l’ADN de l’enseigne et apporter de la valeur au client.

Chambre de bébé – Leroy Merlin

Quels sont les 2 ou 3 piliers d’une relation client réussie ?

Une relation client réussie s’articule, selon moi, autour de 3 sujets :

  1. La fluidité : la relation client ne doit connaître aucun moment irritant quelque soit le canal.
  2. La qualité : satisfaire un client n’est plus suffisant, nous devons l’enchanter. Faire preuve d’empathie et apporter la juste réponse sont aujourd’hui le socle d’une relation client. Toutefois, satisfaire un client n’est plus suffisant pour le faire revenir. Nous devons enchanter et l’effet whaouh devient indispensable pour le faire revenir.
  3. La viralité : c’est le partage de ce souvenir mémorable par un maximum de monde. Les avis sont primordiaux pour le commerce de demain. Une bonne expérience est donc, avant tout, une expérience qui se partage. La recommandation devient clé pour chaque enseigne.

Quel état d’esprit adopter et quelles qualités mobiliser pour une expérience client optimale ?

Il faut :

  1. Être conscient et curieux de son marché pour maîtriser ses spécificités (et ses vitesses).
  2. Faire preuve de curiosité pour se projeter vers l’inédit. Demain ne se construit pas en ayant une vision ou une approche statique.

Il est essentiel de garder à l’esprit la singularité de chaque enseigne pour répondre à un même objectif. Là est sa richesse : s’ancrer dans son écosystème, et non se conformer à la standardisation pour faire vivre une expérience unique et différenciante.

Idée décoration pou Noël – Leroy Merlin

Quel est l’outil/l’application dont vous ne pouvez pas vous passer ?

Je ne travaille qu’avec MindManager. J’ai même converti mes équipes à cet outil qui permet de faire des cartes mentales. Je m’en sers à la fois pour réaliser mes comptes rendus mais également pour animer mes séances de créativité. Très agile, il permet de poser ses idées puis de les structurer simplement et visuellement dans un temps maîtrisé.

Quel modèle ou marque vous inspire pour faire évoluer votre métier et vos pratiques ?

Je trouve que l’hôtellerie est un secteur très inspirant. Dans ce secteur, c’est l’expérience client qui fait toute la différence. Dans ce sens, Mamma Shelter se démarque.  C’est un concept dans lequel on consomme un état d’esprit, non un hôtel. Les collaborateurs sont d’ailleurs animés sur la façon dont ils délivrent la meilleure relation client.

Mama Shelter – Paris

Dans la même lignée, le groupe Accor développe un concept d’auberge de jeune très « designé », élaboré en collaboration avec les clients : Jo&Joe. À travers ces lieux originaux, Accor ne cherche pas seulement à faire vibrer ses clients mais également ses collaborateurs.

Pour conclure, je citerais Starbucks : seule entreprise qui, sans RGPD ou data, parvient à mettre le prénom de chaque client sur un gobelet. Si simple mais si efficace…

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