Design thinking

Être intrapreneur chez Coca-Cola European Partners

Ioana Morogan se définit comme un « bébé Coca-Cola ». Bien qu’issue de la génération millenials, elle travaille déjà depuis 10 ans dans la multinationale qu’elle a rejoint à sa sortie d’école de commerce. Elle débute au sein d’un programme graduate durant lequel elle découvre 3 métiers en 3 ans : commercial terrain, marketing opérationnel et marketing produit. Portée par cette dynamique de changement, elle devient, par la suite, chef de projet puis key account. Avant d’occuper son poste actuel à la tête du « new business » Coca-Cola, elle prend la tête d’une équipe de responsable grands comptes. Par sa connaissance des métiers, des process et des personnes, elle relève au quotidien de nouveaux défis innovants.

Vous occupez un poste plutôt atypique au sein de Coca-Cola : directrice du pôle new business et incubateur, quels sont les défis principaux de votre équipe ?

Le « pôle new business » que je gère résulte de la fusion de deux équipes existantes :

  • une équipe qui incube les futures marques Coca-Cola en France. Sa mission : être « ambassadeur de marque » pour les implanter avec succès. L’enjeu est de détecter les innovations Coca-Cola sur des secteurs émergents qui fonctionnent dans d’autres pays pour les implanter en France comme par exemple une offre de laits végétaux ou de café froid.
  • une équipe commerciale composée de responsables comptes clés qui gèrent au total 150 clients. Ils incubent, quant à eux, les futures chaines de restaurants de demain, comme le groupe Big Mama par exemple. Le défi de cette équipe : identifier les leaders de demain et les accompagner dans leur développement avant de basculer la gestion de ces comptes vers un autre portefeuille.
Ambassadeurs CCEP

Comment faites-vous pour identifier ces produits et restaurants émergents ?

Pour les « chaînes », nous nous appuyons beaucoup sur des études. Nous utilisons notamment un classement qui distingue « leaders » et « émergents » et les tailles de business. Nous pouvons également compter sur notre propre réseau et la force de notre entreprise. Grâce à notre renommée et notre présence dans de nombreux circuits, nous sommes sollicités par de nombreux acteurs.

Royal Bliss Drink – CCEP

Comment allier le savoir-faire innovant des start-ups avec les spécificités d’une multinationale comme Coca-Cola EP?

Face à des problématiques internes (modernisation de la relation commerciale, logistique du dernier kilomètre, etc), il faut, avant tout, identifier la bonne start-up et prêter attention à sa taille. En effet, une start-up en phase d’idéation n’est pas capée pour travailler avec une trop grosse structure.  D’autre part, il est primordial de bien comprendre les enjeux de chaque partie avant de débuter une collaboration. La prise en compte de ces spécificités nous demande de nous adapter pour assurer le succès d’un nouveau partenariat. Nous allégeons alors nos process pour fluidifier l’innovation avec les start-ups.  Dans ce contexte, je peux déroger aux process habituels en proposant un interlocuteur unique ou un allégement des contrats par exemple. En contrepartie, nous demandons aussi aux start-ups partenaires d’être suffisamment structurées pour pérenniser notre relation.

Tout ceci se passe naturellement et sans frictions dès lors que nous faisons preuve de pédagogie pour expliquer nos demandes et nos contraintes. Cette approche vertueuse nous a permis de constituer un réseau très actif. C’est un enrichissement mutuel !

Café Bio Honest – CCEP

Quels sont les avantages, en termes d’innovation, d’appartenir à un grand groupe comme Coca-Cola EP ?

En lien avec l’innovation, il faut parler d’intrapreneuriat. Et selon moi, il existe deux situations d’intrapreneuriat :

  • Le cas d’un salarié qui apporte une solution à un problème récurrent de son entreprise.
  • Un sujet identifié par le top management et porté ensuite par des salariés.

C’est la première situation qui fut la mienne. Elle se rapproche de la dynamique de l’entrepreneur. Se lancer dans une telle démarche au sein d’un grand groupe est plus sécurisant car vous êtes rémunéré. Le fonds d’investissement est interne mais ne dispense pas, pour autant, de démontrer l’intérêt de la solution aux autres services concernés. Les ressources sont, certes, immédiates, mais vous restez dans une démarche de levée de fonds permanente et d’amélioration continue de votre business plan.

Innover au sein d’un grand groupe impose un scale plus rapide que pour une start-up qui doit consolider sa solution plus longtemps. Cette réalité se renforce pour une solution à portée environnementale et sociétale. Si cette dernière convainc en interne, alors sa portée peut être immédiatement internationale.

L’innovation en entreprise est un enjeu stratégique, surtout pour les multinationales. Je suis convaincue que les entreprises doivent avoir un rôle dans la transformation de notre monde et cela passe inévitablement par l’interne.    

Adez Boisson Vegan – CCEP

Quels sont les secrets d’une démarche « test & learn » efficace et réussie ?

Le secret vient d’une structure « test & learn » efficace. Nous avons processé une démarche en 4 phases aux critères bien définis et quantifiables. La réalisation de chaque phase donne lieu à un stop & go. Il est primordial d’en déterminer au préalable les critères et les actions qui en découlent.

Ce processus doit se faire de manière focus et protégée. Il est inutile, par exemple, de tester une nouvelle marque sur trois villes en même temps. Nous avons donc défini un réseau de 50 points de vente à Paris pour mener ces phases de test. Ce sont toujours les mêmes car ils sont déjà dans une démarche collaborative qui facilite les tests.

Il est plutôt inédit d’allier innovation et commercial, quelles sont les qualités/compétences que vous recherchez pour votre équipe ?

Notre point fort est la diversité, Je manage une équipe de 20 personnes mixant profils atypiques, (ancien ingénieur, ancien psychologue passé par la restauration) et commerciaux plus traditionnels. J’apprécie cette complémentarité de compétences. L’essentiel est d’être globalement très adaptable pour suivre l’évolution permanente de notre environnement interne et externe. Si je conserve le cap général, je fais très souvent évoluer la job desk ; la flexibilité et la réactivité sont donc des qualités majeures. Toutefois, cette capacité et ce goût pour l’innovation doivent impérativement s’accompagner d’une certaine rigueur, notamment sur les aspects financiers. Je veille donc à trouver l’équilibre entre des personnes capables de penser « out of the box » et d’autres plus à l’aise avec les process.

Comment faites-vous pour faire adhérer votre équipe à cette philosophie et cette stratégie ?

Je pense que notre cohésion provient de trois éléments clés :

  1. Adhérer à un projet commun : trouver le business de demain. Le modèle opérationnel de Coca-Cola EP est très rodé, il faut donc le réinventer pour lancer des nouvelles marques et faire les stop & go indispensables pour innover.
  2. Faire preuve de transparence : ne pas se cacher les difficultés.
  3. Work hard, play hard : nous ne nous prenons pas au sérieux. On peut vite être trop solennel quand on évolue au sein de ces nouveaux métiers aux enjeux pas toujours compris en interne. Nous veillons donc toujours à prendre du recul.

Enfin, je m’attache à ce qu’il n’y ait pas de lien hiérarchique. Au contraire je préfère entretenir la familiarité et la franchise. Mes managers sont mes associés.

Team CCEP

Vos 3 conseils à des jeunes managers d’innovation qui prennent en main leur poste ?

Ne pas être seul(e). C’est mon premier, mon deuxième et mon troisième conseil : « ne pas être seule, ne pas être seule, ne pas être seule » ! Il faut savoir trouver des « partners in crime » pour partager vos succès et vos difficultés. Ce sont des oreilles précieuses pour échanger et aider à résoudre des problématiques.     .

J’appartiens d’ailleurs à un réseau de patrons de l’innovation et de lab’ : « les punks ». Ce groupe créé à l’origine pour partager des best practices, se révèle finalement être un espace pour se détendre.

S’il faut ajouter deux conseils à ce fondamental, ce serait de :

  • Faire un mapping en interne afin d’identifier les sponsors officiels, les contributeurs, les détracteurs et les « non officiels » internes et externes
  • Bien maîtriser ses chiffres et s’en soucier comme si c’était son propre argent. Il est crucial d’avoir ou de développer une compétence financière pour gérer son compte d’exploitation. Si nécessaire, il ne faut pas hésiter à se faire aider par un expert du sujet pour parvenir à le faire soi-même.

Vous aimerez peut-être aussi