Benoît Raphaël, Chief Robot Officer et cofondateur de Flint, nous explique comment l’intelligence artificielle et les robots peuvent faire évoluer nos pratiques de veille vers plus d’efficacité et de perspicacité.
L’intelligence artificielle, une amie qui nous vous du bien !
Pourquoi avoir lancé l’aventure Flint ? Pouvez-vous nous présenter votre « gentil robot »?
Nous avons lancé Flint parce que j’avais un vrai problème de veille d’information. Je n’avais pas le temps de fouiller le web pour rester informé, notamment sur les sujets sur lesquels j’étais censé avoir une expertise (les médias et les nouvelles technologies), et je n’avais aucune confiance dans les réseaux sociaux ni dans les outils de tri de l’info. Soit ils me remontaient toujours la même chose, soit ils m’inondaient sur une thématique sans privilégier la qualité. J’avais aussi besoin de m’ouvrir l’esprit sur d’autres sujets mais c’était impossible. En fait j’avais besoin d’un assistant humain qui me comprenne et soit capable de ne m’apporter que ce qui m’était vraiment utile. Un assistant qui soit également capable de lire plusieurs milliers d’articles par jour. C’était impossible. Alors on s’est dit : et si on mariait l’expertise humaine et la puissance de la technologie ? C’est comme ça qu’est né Flint : une intelligence artificielle personnelle à qui je peux transmettre mon expertise pour qu’elle aille me chercher des articles de qualité, tout en me sortant de ma bulle d’information. Flint m’envoie tous les jours une newsletter personnalisée avec une sélection de liens vers des articles intéressants et surprenants. Il évolue en fonction de l’éducation que je lui donne. Flint est gratuit. On peut aussi s’abonner à des robots thématiques déjà entraînés par des experts, ou mieux : s’abonner à l’école des robots (qui est payante) et spécialiser soi-même un bébé robot sur les sujets de son choix.
Pour quelle raison avoir choisi de mettre l’intelligence artificielle au service de la veille ?
Parce que l’écosystème de l’information sur Internet est aujourd’hui trop riche, et surtout trop complexe pour nous. Il est également de plus en plus infesté de fausses informations. Seule l’intelligence artificielle a la puissance de traiter autant de données. À condition qu’on l’éduque et qu’on la corrige pour qu’elle ne nous envoie pas n’importe quoi. Flint est un robot personnel en qui je peux avoir confiance puisque c’est moi qui l’entraîne. C’est un peu comme un super pouvoir qui me permettrait de reprendre le contrôle sur ma consommation d’information.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le machine learning, principe d’intelligence artificielle sur lequel Flint est basé ?
Il est presque impossible de définir un article de qualité, c’est trop subjectif, et il faudrait empiler les critères ! C’est pour cela que les algorithmes traditionnels ne suffisent pas. Nous utilisons le machine learning (apprentissage automatique) et en particulier les réseaux de neurones (qui s’inspirent du fonctionnement du cerveau) parce qu’ils ne nécessitent pas de règles prédéfinies. En fait c’est le robot qui établit ses propres règles, ses propres critères, en fonction de ce que je lui présente comme étant un article de qualité. Flint peut établir autant de critères qu’il a de neurones. C’est-à-dire environ 300 dans son cas, ça permet d’être beaucoup plus précis.
Flint : une intelligence artificielle personnelle à qui je peux transmettre mon expertise pour qu’elle aille me chercher des articles de qualité, tout en me sortant de ma bulle d’information.
Les robots et l’intelligence artificielle sont donc nos amis ?
Ils sont nos amis à partir du moment où ils interagissent avec nous en toute transparence.
Et l’humain dans tout ça ? Quel est l’apport de l’intelligence artificielle dans la performance des collaborateurs et quelle implication doivent-ils avoir ?
En gros, l’intelligence artificielle ce n’est qu’une modélisation du meilleur de nous-mêmes, afin d’automatiser notre expertise pour nous aider à résoudre des problèmes complexes. Elle n’est que le prolongement de nous-mêmes, à condition d’interagir en permanence avec nous et de ne pas se substituer à nos choix. C’est à nous de décider quelle histoire nous voulons raconter, et d’utiliser l’intelligence artificielle dans le sens de cette histoire. Pas le contraire. Il est essentiel aujourd’hui de remettre l’humain au cœur de la technologie.
Bientôt un monde de robots géré par l’Intelligence Artificielle ? L’intelligence artificielle a-t-elle des limites ? Quelles sont ses prochaines applications ?
Je ne suis pas très doué en prédictions. Mais l’expérience nous montre que les choses s’équilibrent toujours et que les dystopies (les visions pessimistes du futur) servent surtout à nous faire réfléchir. L’intelligence artificielle peut nous aider à garder le contrôle d’un monde de plus en plus complexe et interconnecté. Elle nous interroge aussi sur notre valeur ajoutée en tant qu’humains dans un monde qui va de plus en plus vite. L’artisanat sera, à mon avis, une valeur montante dans les prochaines années.
Quel avenir pour l’intelligence artificielle en marketing, selon vous ?
Le marketing a profondément changé ces dernières années. Il intervient à tous les stades de la chaîne de valeur, en amont du produit, et en aval par le service client. Le marketing, désormais, c’est d’abord du lien, de la conversation, et de l’empathie. C’est d’abord une histoire que l’on raconte avec son audience. L’intelligence artificielle nous aide déjà à automatiser un certain nombre de tâches marketing mais aussi à mieux connaître les consommateurs. C’est un outil puissant mais qui doit rester un outil au service de l’histoire que l’on veut raconter. L’intelligence artificielle est un formidable outil quand elle se met au service d’une vision. Elle est capable de prédire ce qui marchera, mais si on se borne à suivre ses prédictions on risque de se retrouver enfermés dans des bulles algorithmiques. Or les bulles mènent à l’ennui. Et l’ennui est le pire ennemi du marketing…
Benoît Raphaël est le co-fondateur de Flint, une expérience collaborative entre humains et intelligence artificielle qui permet à chacun de reprendre le contrôle sur sa consommation d’information. Expert en innovation digitale et média, journaliste, et entrepreneur, Benoît a créé de nombreux médias collaboratifs comme Le Post (Le Monde) ou Le Lab (Europe 1). Il est aujourd’hui « éleveur de robots”.