Stratégie commerciale

Basculer d’une politique tarifaire vers une stratégie de conseil

Après des débuts en audit financier, Bruno DISS se réoriente rapidement pour embrasser une carrière commerciale, plus alignée sur ses affinités. Il gravit rapidement les échelons dans le secteur de la restauration commerciale avant de s’exprimer pleinement en tant que directeur commercial pays dans le facility management. Stimulé par la proposition de valeur et le changement de secteur d’activité, il relève avec succès le défi lancé par Hertz : changer le mindset d’une équipe commerciale en 3 ans en passant d’une dynamique d’élevage à une dynamique de chasse.

  • Quelles évolutions majeures ont touché le métier de commercial ces dernières années ?

Dans le secteur des services en BtoB, nous sommes confrontés à une spécialisation des acheteurs. Les donneurs d’ordres sont désormais capables de trouver un certain nombre de réponses par eux-mêmes. Le commercial doit donc gagner en technicité afin d’apporter une véritable valeur ajoutée pour alimenter une vente conseil. Cela implique une maîtrise parfaite de sa chaîne de valeur interne et de celle de ses clients afin de s’adapter à leurs attentes.

  • Comment faire face à cela au sein de vos équipes ?

Tout d’abord, cela prend beaucoup de temps. Il est indispensable de maîtriser votre chaîne de valeur pour comprendre pourquoi votre proposition de valeur est unique. Nos décisions et le positionnement de notre équipe découlent de ce préliminaire essentiel.

En effet, les éléments constitutifs de notre proposition de valeur déterminent les moyens à déployer pour lui donner vie. Pour réussir, nous actionnons deux leviers :

  1. Accompagner la montée en compétences des équipes existantes pour leur faire acquérir de nouvelles techniques
  2. Enclencher une dynamique positive et constructive en intégrant de nouveaux profils au sein de l’équipe. Ma priorité est alors de recruter des personnalités aux techniques commerciales éprouvées, capables de porter nos valeurs.

Cette subtile combinaison nous permet de trouver de nouvelles sources de services pour nos clients.

  • Qu’est-ce qui a changé le plus dans votre secteur d’activité ? Quels sont les nouveaux défis auxquels sont confrontées vos équipes ?

Notre principal défi dans le secteur de services est de trouver des leviers pour sortir d’une logique de prix et entrer dans de la vente conseil. Là encore, le travail sur notre proposition de valeur est essentiel. Nous devons l’incarner dans chacune de nos actions, quel que soit notre niveau. Au sein d’Hertz, tout collaborateur (commercial ou non) doit être fier de sa marque et adopter un esprit de service.

Au quotidien, mes collaborateurs sont donc animés par 2 questions :

  • Comment apporter un service supplémentaire à mes clients ?
  • Comment rendre une expérience client inoubliable, alignée avec la chaîne de valeur de ma marque ?

De cette façon, leurs propositions commerciales ont une valeur pour leur client et non un prix.

Dans cette perspective, nous travaillons notre image de marque et son histoire, conjointement avec le service marketing. Dans une logique de chasse (qu’il a fallu instaurer), notre objectif est ainsi d’entrer dans le state of mind de nos clients avant toute prise de contact.

  • Comment adaptez-vous votre management pour encourager vos équipes à se dépasser, à challenger leurs pratiques pour soutenir la stratégie très innovante d’Hertz ?

Tout d’abord, j’essaie, autant que possible, de descendre sur le terrain (a minima des visites chez le client). Être en contact régulier avec des clients est une de mes raisons de vivre. Il m’est indispensable de connaître exactement la réalité terrain et ses tendances pour ne pas perdre pied. En effet, il est facile en tant que manager de se faire happer par le quotidien. Pour m’en prémunir, je m’astreins donc à une certaine exemplarité.

S’il est majeur de rester aligner avec les besoins clients, il faut également prendre en compte ceux de nos collaborateurs. C’est pourquoi, nous menons une enquête annuelle pour les recenser. Le renouvellement des ordinateurs portables, la généralisation de l’open-space quel que soit le niveau hiérarchique ou la délocalisation des comités de direction en province… sont autant d’exemples des réponses concrètes que nous avons apportées pour améliorer leur satisfaction.

C’est une question particulièrement importante car la stabilité d’une équipe est fondamentale pour réussir collectivement. Organiser des conventions ou des sorties d’équipes a un effet flash. Le fond n’est pas là. Il faut obtenir une sincère proximité avec ses collaborateurs. C’est la condition pour se dire tout : ce qui va et surtout ce qui ne va pas, les difficultés comme les freins. Une telle franchise et une telle confiance ne sont acquises qu’en nourrissant un lien au quotidien (et parfois en dehors du travail).

  • Quel est l’outil/l’application dont vous ne pouvez pas vous passer ?

Je dirais mon Iphone sur lequel je fais tout et Salesforce qui lui est combiné. J’apprécie également Trello que facilite ma gestion de projet avec mon équipe et le comité de direction. Ses principaux avantages sont la facilitation du collaboratif, la fonctionnalité de rappel et la possibilité d’associer plusieurs équipes.

  • Encouragez-vous l’utilisation de nouveaux outils au sein de vos équipes ?

La digitalisation est effectivement une des priorités de notre groupe. Hertz fait preuve de pragmatisme sur le sujet. Nous ne déployons que des solutions ayant fait leurs preuves. Toutefois, je préserve mes équipes de ce type de problématique pour leur permettre de se concentrer sur d’autres enjeux qui me semblent prioritaires. En effet, le digital ne doit pas rajouter de contraintes. Or, pour que ça soit le cas, il faut avoir de solides fondamentaux et surtout associer un objectif précis à l’usage de ces nouveaux outils. S’ils n’apportent pas de gain de temps ou de simplification administrative, je ne préfère pas, pour le moment, l’imposer à mon équipe.

  • Comment imaginez-vous le commercial dans les prochaines décennies ?

Dans le service (plus que dans l’industrie), lorsque l’achat est simple, le client a de plus en plus le réflexe de commander en ligne. Comme je l’ai dit, le commercial se différencie par la qualité du service et la valeur ajoutée qu’il apporte. Selon moi, cette réalité va s’accentuer. Le commercial doit donc devenir toujours plus technique et technicien sans pour autant perdre de ses compétences commerciales. Pour apporter de la valeur à ses clients, il doit devenir expert de son service. Le renouvellement du métier de visiteur médial en est la parfaite illustration. En effet, face aux contraintes réglementaires, ils ont su se repositionner pour perdurer. Ils sont ainsi devenus de véritables appuis techniques pour leurs clients.

Le commercial va donc travailler d’une façon plus qualitative et moins quantitative. La clé du succès tiendra dans une meilleure préparation plus efficace.

  • Un modèle ou une marque qui vous inspire ?

Je prends exemple sur les marques dont l’image de marque est parfaitement alignée avec les attentes de leurs clients. Ces derniers extériorisent ainsi leurs valeurs en adhérant à celles de la marque. C’est particulièrement vrai dans les métiers du luxe comme le confirme la croissance phénoménale du groupe Richemont, propriétaire de Cartier. Dans un registre plus inattendu, le succès de Peugeot illustre également le caractère performatif d’un achat. Les acheteurs transposent la performance du véhicule à leur propre personnalité. Je trouve cette capacité d’engagement, quasi fusionnelle, extrêmement puissante.

Ces exemples confirment ma conviction profonde : le travail de la marque est central et doit alimenter l’ensemble de nos choix et actions.

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