Stratégie marketing

« Le marketeur doit cultiver sa curiosité »

Passionnée par le secteur du retail on line et off line, et par le « hard luxury » (horlogerie et joaillerie), Federica Roux conjugue une double expertise marque et distribution. Sa vision 360 et son expérience internationale sont de précieux atouts pour faire la différence. Omnicanalité, engagement RSE et expérience client… elle nous livre avec enthousiasme ses bonnes pratiques pour relever les nombreux challenges qui s’offrent à elle.

Directrice Digital, Marketing & Communication de la branche horlogère des Galeries Lafayette, en charge des enseignes Louis Pion et Galeries Lafayette – Royal Quartz Paris depuis près de 2 ans, quel est votre principal défi ?

Mon défi principal, propre à tous les acteurs du retail, est de réussir la transformation omnicanale. Nous devons désormais nous mettre à la place du client, comprendre ses besoins, ses attentes et nouveaux modes de consommation, en lui offrant la possibilité de consommer de façon plus durable. Cela, sur tous les canaux de distribution, aussi bien on line qu’off line, en centre-ville comme en travel retail, et cross-média, en passant du CRM au SEO, SEA ou encore l’affichage et la communication sur le point de vente.

Box gourmande montre & le bijou

Quelles sont les évolutions majeures qui ont touché le secteur de l’horlogerie bijouterie ces 10 dernières années ?

Le fil rouge de ma carrière a effectivement été le « hard luxury » c’est-à-dire le secteur de la haute horlogerie et joaillerie, dans lequel j’ai eu la chance de travailler côté marque et côté distributeur. Sur mon poste actuel j’ai pu compléter mon expérience avec le secteur du main stream et premium, qui me permet aujourd’hui d’avoir une vision vraiment complète des enjeux de l’industrie.

Les macro tendances que je peux constater sont :

  • Sur le mainstream (auquel s’adresse par exemple l’enseigne Louis Pion) la dimension durable et la traçabilité sont de plus en plus importantes. Le e-commerce est toujours en croissance, et des parts de marché importantes restent à prendre. Il est vrai par contre que, du fait de leur dimension émotionnelle et très cadeau, une montre ou un bijou restent des produits que les clients préfèrent voir en vrai, avec le conseil expert d’un vendeur spécialiste, dans un magasin physique.

Côté notoriété, en revanche, la bataille de la visibilité se gagne avant tout en ligne. Ce sont donc les marques les plus visibles on line qui remportent la préférence du consommateur.  

  • Dans le secteur du luxe (marché auquel s’adresse l’enseigne Galeries Lafayette – Royal Quartz Paris), le rythme et l’appétence pour l’innovation ne sont pas tout à fait les mêmes, et beaucoup de Maisons adoptent encore et toujours des réflexes de l’ancien monde. Sur l’horlogerie en particulier, le marché est assez tendu : on constate une polarisation de plus en plus marquée avec trois Maisons qui dominent le marché, et le reste des marques horlogères, des centaines de Maisons, se partagent le gâteau.

Côté consommation durable, l’approche diffère versus le mainstream. En effet, un produit de luxe porte intrinsèquement un concept de pérennité et de transmission, en raison de l’investissement initial, en valeur et émotionnel du le client pour l’acquérir.

Montre Fossil – Louis Pion

L’univers de l’horlogerie bijouterie est souvent perçu comme très codifié, comment pouvez-vous tout de même injecter de l’innovation dans vos stratégies marketing ?

En tant que distributeur, nous sommes avant tout « commerçants », au sens noble du terme. Pour être gagnante, toute stratégie marketing doit être centrée sur le client, et sur le service et l’expérience que nous lui offrons. Notre façon de penser a énormément évolué depuis quelques années. D’une stratégie très push produit qui ne répond pas toujours aux envies des client, nous nous focalisons aujourd’hui sur la compréhension du parcours client et sur la réponse à ses attentes, pas uniquement côté produit ou prix, mais aussi et surtout par le customer experience en magasin, ainsi que le conseil et l’accompagnement, pré et post vente.

Modèles Swatch – Louis Pion

Quelles bonnes pratiques appliquez-vous pour vous adapter aux nouvelles exigences de votre métier et de votre activité ?

J’ai la chance d’exercer un métier qui me passionne, et de pouvoir affirmer que mon métier est ma passion.

Depuis le début de ma carrière, j’ai pu vivre la transformation radicale du métier de marketeur. D’expert de la communication et de l’image de marque, le marketeur est devenu aujourd’hui le référent des solutions omnicanales pour capter sur le web et driver vers le store. Le marketing est sans doute l’un des métiers les plus « disruptés » par la transformation digitale. Exposé en permanence aux innovations, aux changements de comportement du client, le marketeur doit être la force de changement au sein de son entreprise. Il doit cultiver sa curiosité et sa volonté d’apprendre et se remettre en cause.

Enfin, et le plus important, je m’appuie aussi énormément sur mes équipes. En tant que chef d’orchestre d’un périmètre très large, j’ai un expert par métier dans mon équipe. Leurs compétences techniques ou créatives nourrissent ma stratégie globale. Au niveau opérationnel, dans mon département, il existe un enjeu important sur le recrutement de talents, notamment sur des métiers techniques ou recherchés comme le marketing performance ou le data marketing.

Montre Louis Pion

Vous avez travaillé 4 ans à Londres, comment cette expérience a-t-elle influencé la perception de votre métier ?

C’est une excellente question ! J’ai choisi une carrière internationale dès le début : j’ai démarré mon expérience professionnelle entre Turin et New York, ensuite je me suis installée à Paris, puis je suis partie à Londres pendant 4 ans et je suis finalement rentrée à Paris depuis deux ans.

Le fil rouge comme on l’a déjà évoqué a toujours été le luxe. Lors de ma première expérience parisienne, 7 ans chez Richemont, j’ai évolué dans un environnement assez traditionnel.

Lors que j’ai intégré, à Londres début 2014, le plus gros groupe anglo saxon spécialisé dans la distribution de montres et joaillerie, j’ai été projetée dans le futur ! Les pratiques e-commerce et omnicanales y étaient déjà bien installées. Ce que j’ai appris et mis en place alors n’est d’ailleurs pas très éloigné de ce que je réalise actuellement en France…

Au Royaume-Uni, le taux de pénétration du e-commerce est beaucoup plus fort. Le tissu de magasins est plus dégradé et les anglo-saxons osent davantage acheter en ligne, y compris sur des paniers élevés. De telles conditions ont encouragé le développement et l’optimisation du commerce on line. Ainsi, depuis longtemps, le dispositif logistique anglais, notamment de livraison, est ultra qualitatif et sans friction client.

Mes années à Londres ont été particulièrement formatrices. Elles m’ont donné beaucoup d’avance sur marché français. J’y ai acquis des best practices que j’applique encore aujourd’hui.

Quel est l’outil/l’application dont vous ne pouvez pas vous passer ?

Je consacre au moins une heure tous les matins à la lecture de la presse professionnelle et économique sur les thématiques qui m’intéressent : retail, innovation, customer experience. D’autre part, j’écoute de nombreux podcasts, un média très efficace pour apprendre et challenger ses pratiques. J’échange également beaucoup avec mes pairs ou prestataires lors des nombreuses conférences ou événements professionnels tels que Les Big Boss, One to One ou encore les événements de LSA.

Pour trouver l’inspiration (nouvelles marques, informations métier, lancements de produits, boutiques…), j’utilise Instagram. Même si j’essaie d’en limiter mon usage au professionnel, j’y passe beaucoup de temps.

J’adore aussi LinkedIn. Leur algorithme remonte des informations de qualité et me permet de me créer un réseau d’experts très intéressant.

Quelles qualités doit avoir une directrice marketing ?

La curiosité est essentielle. Il faut aussi aimer et savoir coordonner les enjeux en préservant une vision d’ensemble, au risque, sinon, d’être rapidement submergé par l’opérationnel et de se perdre dans les détails pour ne plus créer de sens. En tant que directrice marketing, je dois penser une action de façon holistique en travaillant en écosystème avec les autres départements.

Quel est le dernier livre/podcast inspirant que vous avez lu/écouté ?

Le livre que je viens de terminer concerne un sujet dont on parle beaucoup : « DNVB » de Sébastien TORTU. Néanmoins, les enseignements sont valables pour n’importe quelle entreprise. Actuellement je lis « The Everything Store » de Brad Stone qui livre les coulisses de l’histoire d’Amazon.

J’aime aussi lire les biographies de femmes inspirantes, telles que Diane Von Fustenberg, Helena Rubinstein ou encore Michelle Obama.

Et j’écoute beaucoup de podcasts : mon favori est LuxuryInsight dont je recommande l’interview très intéressante de Nicolas Houzé (DG des Galeries Lafayette et du BHV Marais) sur l’avenir du retail. J’écoute aussi Le Gratin et Génération XX.

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