Relation client

Viser la simplicité pour réduire l’effort client ; la vision de la relation client de la SNCF

Réforme des retraites, crise COVID-19, François Julia n’a pas été épargné depuis sa prise de fonction à la tête de la direction des Opérations de la Relation Client à Distance de la SNCF en juin 2019. Pourtant, face aux crises et situations incertaines, il semble conserver une sérénité remarquable. Riche de sa longue expérience en relation client, il s’est forgé des convictions fortes qui lui permettent de garder un cap précis en toute circonstance.

En tant que Directeur des Opérations de la Relation Client à Distance au sein de la SNCF, quelle est votre mission ?

La mission de ma direction est claire : créer les conditions pour obtenir la meilleure satisfaction possible de nos clients sur le registre de l’assistance. Elle s’exerce au cours d’un dialogue qui comprend plus de 4 millions de contacts par an, auxquels nous devons apporter une réponse quel que soit le canal utilisé : vocal, webmail, réseaux sociaux et messaging.

Cette ambition concerne plus de 120 millions de voyageurs, ce qui vous laisse imaginer le niveau d’engagement requis.

Depuis votre prise de fonction, quels ont été vos principaux défis ?

Ils sont au nombre de deux et alignés à la mission :

  1. Maintenir la confiance de nos clients quelle que soit la situation ou la sollicitation, y compris sur des sujets issus du quotidien
  2. Proposer une assistance en adéquation avec les attentes de nos clients. En effet, ce n’est plus au client de s’adapter à notre parcours d’assistance, mais l’inverse.

Notre principal défi (qui n’est pas propre à la SNCF) est donc de réduire l’effort client. La fidélisation et la préférence de nos clients découlent directement de la capacité de nos services à le relever. Obtenir l’attachement client est essentiel face à l’arrivée de la concurrence.

Toutefois, à l’heure de la trust economy où l’exigence de confiance est fondamentale, les promesses ne suffisent plus. Il faut apporter des preuves. Dans l’univers du voyage, il est donc de notre responsabilité de démontrer nos engagements d’accueil et d’hospitalité.

Vous avez été Directeur de la Relation Client France Europe chez OUI.sncf, filiale de SNCF régulièrement récompensée pour ses innovations technologiques. Pourquoi le digital représente-il une opportunité d’améliorer la relation client ?

La particularité de OUI.sncf est d’être un pure player digital au sein d’une structure, comme la SNCF, qui n’incluait pas le digital dans son ADN. Ainsi, sa force a été d’y intégrer, via le canal de la transaction et du relationnel, toute la nécessité du digital. Le succès a été si fort qu’il est désormais le premier site de e-commerce en volume de transaction en France en 2019 (et 17 millions de visiteurs uniques).

Cette expérience digitale de la relation client a mis en évidence l’opportunité et la nécessité que représente notamment, dans ce domaine, le recours à l’intelligence artificiel. Cette dernière apporte une réponse aux enjeux de délai et d’immédiateté auxquels la relation client est confrontée. Nos clients recherchent une assistance simple et réactive tout au long de leur parcours client. Fluidifier la navigation d’un canal à l’autre pour apporter la bonne information de façon individualisée et personnalisée est, selon moi, l’un des bénéfices immédiats de l’IA pour la relation client. C’est le cas par exemple avec le conversationnel qui permet de déployer une assistance hybride combinant bot et humain sans friction et sans délai.

D’autre part, le recours à des algorithmes est une formidable opportunité pour améliorer la pertinence des réponses dans des délais inatteignables par l’humain. Nous pouvons ainsi interroger en quelques minutes près de 33 millions de combinaisons de voyage pour répondre à des demandes de changement de billets. Les technologies œuvrent donc en faveur d’un traitement fiable, pertinent et immédiat des demandes clients.

Les champs conversationnels rendent infinies les opportunités de dialogue avec nos clients sur n’importe quel sujet. Cela demande une très grande capacité à rebondir.

Comment cela se traduit-il dans votre stratégie d’expérience client ?

L’ensemble de ces enjeux digitaux ne doivent servir qu’un but : réduire l’effort de nos clients en améliorant la simplicité. Cela fait écho à notre raison d’être chez VOYAGES SNCF : apporter la liberté à chacun de se déplacer facilement en préservant la planète. C’est d’autant plus important pour une entreprise qui appartient à tous les français. Si la SNCF est bien évidemment multiple, nos utilisateurs la perçoivent souvent de manière unique. Nos parcours sont pourtant faits d’étapes et de ruptures qui peuvent engendrer des réclamations. Il s’agit d’une réalité que nous nous efforçons donc de fluidifier et simplifier.

Dans cette perspective, l’une de mes premières actions a été de mettre en place, en complément du suivi de la satisfaction client, le suivi de l’effort client. Cette étape peut paraître évidente mais était indispensable et nécessaire pour comprendre d’où nous partions et les points d’amélioration.

Les défis et attentes face au digital sont toujours plus vastes et sensibles face à des clients toujours plus exigeants. Comment faites-vous pour garder le cap et motiver vos équipes ?

J’ai passé plus de la moitié de mes 10 premiers mois en situation de crise. Cette période a renforcé ma conviction sur l’importance d’avoir un cap clair, partagé par tous. Il permet, lors d’une crise ou d’une pause, de faciliter les choix pour y revenir. Il est donc primordial de clarifier ce qu’est la relation client, c’est-à-dire ses racines, ses déclinaisons et comment nous contribuons à cet ensemble.

Pour tenir ce cap, il faut donc avoir une certaine exigence sur le résultat attendu. Cela s’avère particulièrement vital dans des périodes opérationnellement lourdes où nous pouvons perdre de vue l’objectif et la finalité de nos actions.  

D’autre part, dans une direction de 800 personnes dont 700 personnes en centre de contact et où l’organisation pyramidale côtoie une gestion agile des projets, l’écoute et le partage sont clés pour établir la confiance.

L’ensemble doit également être alimenté par de la curiosité afin de stimuler l’envie. C’est d’autant plus important dans des métiers très opérationnels et répétitifs. Cette période de confinement en apporte la confirmation. Pourtant réputé comme inadapté au télétravail, nous sommes parvenus à maintenir notre métier et son service en continu malgré la fermeture de nos locaux et ce quel que soit le canal. Une prouesse lorsqu’on sait que nous étions encore en phase de test en 2019 !

Ces engagements nourrissent un cercle vertueux qui permet de garder la motivation et le cap :

  • Clarté et exigence
  • Écoute et attention
  • Curiosité comme moteur

Quelles sont les qualités/compétences que vous recherchez chez vos équipes ?

En rapport avec le métier :

  • Le sens de la collaboration : avoir un esprit ouvert pour ne pas travailler seul ou se limiter à son périmètre mais, au contraire, rechercher la complémentarité.
  • La fiabilité : avoir confiance dans mon collaborateur m’est indispensable. L’erreur est humaine en revanche le doute est destructeur à petit feu dans une équipe car il crée beaucoup de déviances au quotidien qui parfois se paient très cher.
  • L’envie : l’enthousiasme est source d’émulation individuelle et collective, elle-même moteur de la collaboration.
  • Le sens du client : savoir se mettre à sa place, y compris lorsque les « mauvaises » raisons (pas le temps, pas les bons outils) de ne plus le faire sont nombreuses et la tentation forte. Il est essentiel de le garder en perspective en permanence.

Quelles sont les innovations auxquelles vous croyez particulièrement et que vous souhaitez déployer à l’avenir ?

Simplifier le parcours client et le fluidifier réellement reste mon point d’ancrage. Partant de ce postulat, je recherche tout ce qui facilite et permet de faire simple.

Le choix du canal de départ relève du client mais que c’est à nous, ensuite, de l’orienter vers celui le plus approprié pour répondre à sa demande. Dans ce cas, la voix est essentielle. Très riche, elle véhicule l’émotion et l’humeur qui sont très difficiles à interpréter sur l’écrit. Là gît toute la limite des bots qui n’ont pas cette touche d’humain. Si la voix demeure le canal le plus riche, elle est aussi plus complexe d’un point de vue opérationnel. C’est pourquoi, toutes les innovations « voicebot » m’intéressent beaucoup ainsi que celles qui touchent à l’analyse de la voix. Je suis à la recherche d’une meilleure compréhension de la voix du client. Nous sommes d’ailleurs en train de faire un POC avec Allo-Media sur la retranscription en direct des conversations vocales. De cette façon, nous pourrons réaliser une analyse sémantique pour identifier de manière objective les motifs de contact.

Je regarde également les emplacements du conversationnel pour savoir où nous positionner. Présents sur messenger et sur Twitter, je m’interroge notamment sur Instagram qui véhicule une dynamique positive très intéressante pour nouer un dialogue. Cela relève moins de l’innovation et c’est un domaine qui n’est pas encore prioritaire par rapport à l’opérationnel mais qui promet de belles perspectives d’enjeux en 2020-2021.

Conseils à un futur manager : quelles qualités doit avoir un directeur des Opérations de la Relation Client à Distance ? conseils à un futur manager

Souvent résumée à un SAV ou un centre de coût, la relation client est une entité peu valorisée du fait du flou qui entoure ses missions. Il s’agit donc d’un métier d’engagement où une certaine forme de sincérité, d’honnêteté et d’humilité sont nécessaires. Il faut avoir l’envie même si c’est un métier dans lequel on rentre parfois par hasard. Il n’existe pas d’école ou de diplôme de la relation client, nos clients sont donc nos maîtres d’apprentissage. Leurs demandes et la façon dont ils les formulent nous font progresser. Avoir « le goût des autres » est donc clé.

La mécanique répétitive est dangereuse pour notre métier : par notre curiosité, nous devons toujours chercher à évoluer et nous renouveler.

Enfin, en tant que manager, il faut savoir combiner un savoir être exigeant à de la convivialité.

Nous retrouvons beaucoup des valeurs du sport dans le management que j’évoque : former avec exigence sur le terrain, motiver pour déployer des efforts importants et atteindre un objectif commun.

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