Data & analytics

Éviter la noyade dans les mers de chiffres : la nouvelle mission de l’aide à la décision

Par Frédéric Lefebvre-Naré, formateur expert en études quantitatives

Les mots « big data » ont été à la mode tout au long de 2013. Les dirigeants d’entreprises, et notamment les responsables marketing, en ont-ils saisi toutes les implications ?

Les big data, concrètement, c’est le fait que l’activité économique produit, à des millions d’endroits, des flux continus de données chiffrées.

Et les chiffres, beaucoup de métiers de l’entreprise en sont familiers. Produire des chiffres (justes), c’est même un but en soi pour les comptables, par exemple, et toutes les professions chargées de rendre compte du passé.

Mais pour le dirigeant, c’est l’avenir qu’il s’agit de dessiner. Et les décisions qu’il prendra — investir dans tel projet, embaucher tel profil, s’implanter à tel endroit — sont de nature qualitative.

Quel est alors, pour le dirigeant, le rôle des chiffres, des statistiques ? C’est un rôle de serviteurs, celui d’aider à la décision.

Car le dirigeant, comme le pilote d’un avion (et aussi usée que soit la comparaison !), manque de contact direct avec son marché, et presque autant, avec ses salariés. Il a besoin de tableaux de bord, cadrans, compteurs, qui enregistrent aussi objectivement que possible la situation pour lui en rendre compte.

À ce stade de notre réflexion, le défi des big data est le même que celui des études statistiques traditionnelles : extraire du sens à partir d’une production de chiffres.
Et pourtant, le paysage a radicalement changé : il est passé du désert à l’océan.

Les dirigeants des années 60 ou 70 manquaient singulièrement de données (tout comme les aviateurs de la génération précédente).

Les instituts de sondage, et les comptables, leur servaient d’yeux et d’oreilles. « Aider à la décision », c’était arriver à produire des chiffres sur une réalité insaisissable. Les chargés d’études ou chefs de produits pouvaient passer des journées, des semaines, à tirer la substantifique moelle de gros listings de tableaux croisés…

Aujourd’hui le besoin des participants aux formations sur l’analyse de données multivariées ou les statistiques a changé. Depuis deux ans au moins, leur demande générale est : aidez-nous à surnager dans les déferlantes de chiffres.

Il s’agit au fond d’une nouvelle discipline, même si elle réutilise beaucoup de savoirs de la statistique traditionnelle.
Il s’agit de classer, étiqueter, maîtriser des milliers de variables.
Il s’agit de les visualiser de la façon la plus parlante, même quand il y a des millions de points de données.
Il s’agit de rendre inoffensives les données aberrantes qui se glissent dans ces déferlantes et risquent d’endommager toutes les constructions.
Il s’agit d’apprécier les biais qui écartent ces « données » collectées à certaines fins, des questions que l’analyste leur pose à d’autres fins.
Il s’agit d’intégrer mentalement l’erreur-type qui entoure tout chiffre, du fait des aléas qui ont marqué sa construction.
Il s’agit de modéliser le passé et anticiper l’avenir de façon objective… alors qu’il serait toujours possible, dans l’abondance de données, d’en trouver qui vont dans le sens du vent.

Cette science des données (data science), en plein émergence, est à la fois qualitative et quantitative. L’apprivoiser apporte déjà un atout aux professionnels qui veulent aider à la décision.

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